Grandeurs globales : énergies

Bilan de puissance (échelle locale)

Comme depuis le début, nous allons continuer de travailler à l’échelle locale. Pour ce faire, sortons quelque temps de l’ARQS et introduisons le vecteur de Poynting ${\bf \Pi_p}$, défini par : $${\bf \Pi_p} = {\bf e}\wedge{\bf h}$$

Pour un système électromagnétique contenu dans un volume $V$ de bord $\partial V = S$, la puissance énergétique $P_{\text{em}}$ apportée sous forme électromagnétique au système est donnée par le flux entrant de ${\bf \Pi_p}$, soit :

$$P_{\text{em}} = \oiint_S {\bf \Pi_p}\cdot {\bf n_e}\,\text{d} S$$

où ${\bf n_e}$ est la normale entrante à la surface.

Ainsi, en réutilisant nos notations et en appliquant le théorème de la divergence :

$$P_{\text{em}} = - \oiint_S {\bf \Pi_p}\cdot {\bf dS} = \iiint_V \underbrace{-\text{div}\,\left({\bf e}\wedge{\bf h}\right)}_{p_{\text{em}}}\,\text{d} V$$

Avec $p_{\text{em}}$ la densité volumique de puissance électromagnétique, qu’on peut développer avec l’identité vectorielle :

$$\text{div}\,\left({\bf e}\wedge{\bf h}\right) = ({\bf rot\,e})\cdot{\bf h}-{\bf e}\cdot({\bf rot\,h})$$

Soit :

$$p_{\text{em}} = -{\bf h}\cdot({\bf rot\,e}) + {\bf e}\cdot({\bf rot\,h})$$

En réinjectant les équations de Maxwell-Ampère et Maxwell-Faraday :

$$\begin{aligned}\displaystyle p_{\text{em}} &= {\bf h}\cdot\frac{\partial\,{\bf b}}{\partial t}+ {\bf e}\cdot\left({\bf j} + \frac{\partial\,{\bf d}}{\partial t}\right)\\ \displaystyle &= \underbrace{{\bf e}\cdot{\bf j}}_{p_j} + \underbrace{{\bf h}\cdot\frac{\partial\,{\bf b}}{\partial t}}_{p_{mag}} + \underbrace{{\bf e}\cdot\frac{\partial\,{\bf d}}{\partial t}}_{p_{el}}\end{aligned}$$

Les différents termes étant :

  • $p_j$ : densité volumique de puissance dissipée par effet Joule
  • $p_{mag}$ : densité volumique de puissance magnétique
  • $p_{el}$ : densité volumique de puissance électrostatique

Pertes Joule

Le premier terme du bilan de puissance précédent permet de calculer $P_J$ la puissance dissipée par effet Joule (production de chaleur). Il n’existe que dans les domaines conducteurs. Si nous regroupons ces derniers dans ce que nous appellerons $V_c$, on aura :

$$P_J = \iiint_{V_c} {\bf e}\cdot{\bf j}~\text{d} V$$

Dans les conducteurs ohmiques, on sait que : ${\bf e} = \rho\,{\bf j}$, ou ${\bf j} = \sigma\,{\bf e}$.

Ainsi, la densité volumique de pertes Joule est : $$p_j = \rho\,|\!|{\bf j}|\!|^2 = \frac{1}{\sigma}\,|\!|{\bf j}|\!|^2$$

Et les pertes totales : $$\boxed{P_J = \iiint_{V_c} \rho\,|\!|{\bf j}|\!|^2~\text{d} V}$$

Dans le cas d’un conducteur portant un courant $I$, on peut directement identifier sa résistance $R$ grâce aux pertes Joule, car $P_J = R\,I^2$. Ainsi : $$\boxed{R = \frac{1}{I^2} \iiint_{V_c} \rho\,|\!|{\bf j}|\!|^2~\text{d} V}$$


Énergies

Énergie et coénergie magnétique

Énergie magnétique

En définissant $w_{mag}$ comme la densité d’énergie magnétique contenu dans le volume $V$, on a :

$$p_{mag} = \frac{\partial\,w_{mag}}{\partial t}$$

La variation élémentaire de densité volumique d’énergie pendant $\text{d} t$ est ainsi :

$$\text{d}\,w_{mag} = p_{mag}\,\text{d} t = {\bf h}\cdot\frac{\partial\,{\bf b}}{\partial t}\,\text{d} t$$

On peut alors en déduire la densité volumique d’énergie magnétique emmagasinée dans le système (à l’instant $t$ correspondant au point de fonctionnement magnétique $({\bf h},{\bf b})$) par :

$$w_{mag} = \int_{t_0}^t {\bf h}\cdot\frac{\partial\,{\bf b}}{\partial t}\,\text{d} t = \int_{0}^{b} {\bf h}\cdot{\bf d b}$$ La borne d’intégration inférieure étant choisie arbitrairement pour correspondre à une « énergie stockée nulle » reflétant l’état initial du système.

Dans le cas particulier de milieux où la loi de comportement magnétique est linéaire (${\bf h}=\nu\,{\bf b}$), on a :

$$ w_{mag} = \int_{0}^{b} \nu\,{\bf b}\cdot{\bf d b} = \frac{\nu}{2} |\!|{\bf b}|\!|^2$$

Soit :

$$\boxed{w_{mag} = \frac{|\!|{\bf b}|\!|^2}{2\,\mu}}$$

Et, dans le cas général :

$$\boxed{w_{mag} = \int_{0}^{b} {\bf h}({\bf b})\cdot{\bf d b}}$$

L’énergie magnétique contenue dans le volume $V$ est ainsi :

$$\boxed{W_{mag} = \left\{\begin{aligned} &\iiint_V \frac{|\!|{\bf b}|\!|^2}{2\,\mu} \,\text{d} V , &\text{en linéaire} \\ ~ & ~ \\ &\iiint_V \left(\int_{0}^{b} {\bf h}({\bf b})\cdot{\bf d b}\right) \,\text{d} V , &\text{en non-linéaire}\end{aligned}\right.}$$

Coénergie magnétique

On peut également définir la densité volumique de coénergie magnétique $\widetilde{w}_{mag}$ par :

$$\widetilde{w}_{mag} + w_{mag} = {\bf h}\cdot{\bf b}$$

Alors :

$$\begin{aligned}\text{d}\,\widetilde{w}_{mag} &= \text{d}\left({\bf h}\cdot{\bf b}\right) - \text{d}\,w_{mag}\\ &= {\bf d h}\cdot{\bf b} + \cancel{{\bf h}\cdot{\bf d b}} - \cancel{{\bf h}\cdot{\bf d b}}\\ &= {\bf b}\cdot{\bf d h}\end{aligned}$$

On en déduit donc :

$$\widetilde{w}_{mag} = \int_{0}^{h} {\bf b}\cdot{\bf d h}$$ Comme précédemment, la borne d’intégration inférieure est choisie arbitrairement pour correspondre à une « énergie stockée nulle » reflétant l’état initial du système.

Dans le cas particulier de milieux où la loi de comportement magnétique est linéaire (${\bf b}=\mu\,{\bf h}$), on a :

$$\widetilde{w}_{mag} = \int_{0}^{h} \mu\,{\bf h}\cdot{\bf d h} = \frac{\mu}{2} |\!|{\bf h}|\!|^2$$

Soit :

$$\boxed{\widetilde{w}_{mag} = \frac{\mu\,|\!|{\bf h}|\!|^2}{2}}$$

Et, dans le cas général :

$$\boxed{\widetilde{w}_{mag} = \int_{0}^{h} {\bf b}({\bf h})\cdot{\bf d h}}$$

La coénergie magnétique contenue dans le volume $V$ est alors :

$$\boxed{\widetilde{W}_{mag} = \left\{\begin{aligned} &\iiint_V \frac{\mu\,|\!|{\bf h}|\!|^2}{2} \,\text{d} V , &\text{en linéaire} \\ ~ & ~ \\ &\iiint_V \left(\int_{0}^{h} {\bf b}({\bf h})\cdot{\bf d h}\right) \,\text{d} V , &\text{en non-linéaire}\end{aligned}\right.}$$

Graphiquement, les deux densités volumique peuvent se représenter (dans le cas d’un matériau isotrope) par la figure ci-dessous.

Représentation des densités volumiques d'énergie et coénergie magnétiques

En linéaire, les deux surfaces hachurées ci-dessus sont des triangles de même aire, et on a : $$\boxed{w_{mag} = \frac{1}{2}\,{\bf h}\cdot{\bf b} = \widetilde{w}_{mag}}$$

En linéaire dans l’ARQS, lorsque les sources de champs sont des courants situés dans un sous-volume conducteur $V_c$, nous disposons d’une autre formule de calcul de l’énergie magnétique créée par ces courants reposant sur le potentiel vecteur magnétique.
En effet, d’après ce qui précède, dans ce cas : $$W_{mag} = \iiint_V \frac{1}{2}\,{\bf h}\cdot{\bf b}\,\text{d} V $$
On peut développer avec une identité vectorielle : $${\bf h}\cdot{\bf b}={\bf h}\cdot{\bf rot\,a}={\bf rot\,h}\cdot{\bf a}-\text{div}({\bf h}\wedge{\bf a})$$
Ainsi : $$W_{mag} = \frac{1}{2}\left(\iiint_V {\bf rot\,h}\cdot{\bf a}-\text{div}({\bf h}\wedge{\bf a})\,\text{d} V \right)$$ En réinjectant Maxwell-Ampère et en appliquant le théorème de la divergence, on obtient : $$W_{mag} = \frac{1}{2}\left(\iiint_{V_c} {\bf a}\cdot{\bf j}~\text{d} V + \oiint\limits_{S=\partial V} ({\bf a}\wedge{\bf h})\cdot{\bf d S} \right)$$ On notera que l’intégrale volumique se limite au domaine conducteur $V_c$ (seul siège de courants).
Ainsi, pour un système électromagnétique contenu dans un volume choisi suffisamment grand pour que l’influence des sources soient négligeable sur la frontière (${\bf a}$ et/ou ${\bf h}$ nul), on obtient finalement :
$$\boxed{W_{mag} = \frac{1}{2} \, \iiint_{V_c} {\bf a}\cdot{\bf j}~\text{d} V}$$ Cette formule pourra s’avérer très utile en pratique.

Cas particulier des aimants permanents

En présence de matériaux durs tels que les aimants, nous ne sommes plus sur une courbe $b(h)$ passant par l’origine, mais les formules générales précédentes restent valables.

Nous allons juste choisir des bornes inférieures différentes :

  • $b(h=0) = b_r$ pour l’énergie ;
  • $h(b=0) = -h_c$ pour la coénergie.

Graphiquement, on peut ainsi représenter les densités correspondantes sur la figure suivante :

Représentation des densités volumiques d'énergie et coénergie magnétiques dans un aimant

Alors :

$${w}_{mag} = \int_{b_r}^{b} {\bf h}\cdot{\bf d b},~ ~\text{et}~ ~\widetilde{w}_{mag} = \int_{-h_c}^{h} {\bf b}\cdot{\bf d h}$$

Dans le cas classique de matériaux très durs où la courbe ci-dessus peut être assimilée à une droite, on a ainsi :

$$\begin{aligned}{w}_{mag} &= \int_{b_r}^{b} \frac{\bf (\bf b-b_r)}{\mu_a}\cdot{\bf d b}\\ & = \frac{1}{\mu_a} \left[\frac{({\bf b-b_r})^2}{2}\right]_{br}^b\\ &= \frac{1}{2\,\mu_a} ({\bf b-b_r})^2 = \frac{\mu_a}{2}\,{\bf h}^2 \end{aligned}$$

On peut faire de même pour la densité volumique de coénergie :

$$\begin{aligned}\widetilde{w}_{mag} &= \int_{-h_c}^{h} \mu_a\,({\bf h+h_c})\cdot{\bf d h}\\ &=\mu_a \left[\frac{({\bf h+h_c})^2}{2}\right]_{-hc}^h\\ &= \frac{\mu_a}{2} ({\bf h+h_c})^2 = \frac{{\bf b}^2}{2\,\mu_a}\,\end{aligned}$$

Chose un peu surprenante, l’expression des densités d’énergie et coénergie magnétiques dans un aimant permanent est l’inverse de celles dans les autres matériaux. Soit : $$\boxed{w_{mag} = \frac{\mu_a\,|\!|{\bf h}|\!|^2}{2}}~ ~\text{et}~ ~\boxed{\widetilde{w}_{mag}=\frac{|\!|{\bf b}|\!|^2}{2\,\mu_a}}$$

Énergie électrostatique

Tout ce que nous avons fait en magnétisme ci-avant, peut se développer également en électrostatique à partie de la densité volumique de puissance $p_{el}$. Plutôt que de tout redévelopper, nous allons procéder par analogie :

  • ${\bf h} \leftarrow {\bf e}$
  • ${\bf b} \leftarrow {\bf d}$
  • $\mu \leftarrow \varepsilon$

Ainsi, en ne considérant que le cas linéaire, nous obtenons, pour les densités volumiques d’énergie et coénergie électrostatiques :

$$\boxed{w_{el} = \frac{|\!|{\bf d}|\!|^2}{2\,\varepsilon}=\frac{1}{2}\,{\bf e}\cdot{\bf d}=\frac{\varepsilon\,|\!|{\bf e}|\!|^2}{2}=\widetilde{w}_{el}}$$

L’énergie électrostatique contenue dans le système est alors :

$$\boxed{W_{el} = \iiint_V \frac{1}{2}\,\varepsilon\,|\!|{\bf e}|\!|^2~\text{d} V = \widetilde{W}_{el}}$$

Nous disposons également d’une formule pour l’énergie basée sur le potentiel scalaire électrique $v$. Considérant que la densité volumique de charge $\rho_q$ se situe dans un sous-volume $V_q$ de $V$, on a : $$\boxed{W_{el} = \frac{1}{2} \iiint_{V_q} \rho_q\,v~\text{d} V}$$

On aurait pu donner l’ensemble des relations possibles en considérant le cas non-linéaire, mais nous ne l’avons pas fait par souci de concision. On peut quand même fournir les densités volumiques d’énergie qui pourront, le cas échéant servir de point de départ : $$w_{el} = \int_{0}^{d} {\bf e}\cdot{\bf d\,d},~ ~ ~\text{et}~ ~ ~ ~\widetilde{w}_{el} = \int_{0}^{e} {\bf d}\cdot{\bf d\,e}$$